Les réfugiées doivent-ils disparaître? (Intro)

Publié le par olivier Legrand

À la fois européenne et méditerranéenne l’île de Chypre se trouve dans  la « principale zone de tensions géopolitiques au plan mondial »(Méditerranée :nations en conflits, Lacoste Y., Hérodote 2005). La Méditerranée euro-arabe et son prolongement à l’Est vers le golfe Persique  et vers la mer Noire et la Caspienne a connu et connaît de grands bouleversements géopolitiques. La fin de la guerre froide et la chute du « rideau de fer »  a mis fin à la coupure entre l’Europe de l’Ouest et de l’Est. Elle a renforcé le rôle des Etats-Unis dans la région et réorienté l’action de l’Union Européenne qui semble avoir délaissé son projet de codéveloppement avec les États du Sud de la Méditerranée. Durant les  années 90  et 2000, les crises se sont multipliées dans cette région : les deux guerre du golfe, la guerre civile en Algérie depuis 1992, l’échec des accords d’Oslo et les tensions Gréco Turque ne sont que les exemples les plus visibles. Ces tensions ont pour effets directe l’inapplication des conventions de Montobay, les zones de hautes mers Méditerranéennes sont devenu des espaces de non-droit, dès lors dégazages et filets dérivant sont devenu des pratiques courantes. C’est bien dans la Méditerrané que S. P. Huntington est allé chercher la majorité de ses arguments afin d’étayer les thèses de son best-seller  The Clash of civilisations.
Dans cet ensemble, la Méditerranée orientale semble se différencier de la partie occidentale par l’atténuation du contraste Nord-Sud. Les rivalités territoriales y sont légions et le plus souvent entre pays de même niveau de « développement ». L’Égypte de Méhémet Ali a entrepris dès le début du XIXe siècle un développement de type occidental, avec notamment le creusement du canal de Suez, canal qui lui est profondément marqué par les rapports Nord-Sud. Les Balkans ont connu une brutale simplification de leurs peuplements. La victoire des mouvements nationaux contre la domination Ottomane et le départ des « Turcs » après les guerres balkaniques n’a pas mis fin aux rivalités territoriales entre les peuples du Sud-Est européen. La Turquie tente de prolongé l’éclat du feu empire Ottoman grâce notamment  aux  détroits du Bosphore et des Dardanelles. Mais les hypothèses de tracés des oléoducs ont remis sur le devant de la scène les hautes montagnes d’Anatolie orientale et le conflit kurdes et la situation  controversée du sandjak d’Alexandrette.
L’émergence des Etat nation et des volontés irrédentistes se sont traduite par la création d’une zone de tension récurrente, la mer Égée où s’oppose depuis 1830 la Grèce et la Turquie. Au XIXe siècle, le développement de la navigation à vapeur et l’ouverture du canal de Suez transforma les îles de la mer Égée en point d’appui pour les puissances politiques extérieures à la région ; Le Royaume-Uni et l’Italie prirent  au XIXe  et au XXe siècle la place occupée par les République de Gène et de Venise. Tout comme les îles égéennes Chypre furent marquées par ce tiraillement d’intérêts à la fois interne et externe.
   
    C’est donc dans un contexte régional très « richesse » que le conflit Chypriote s’est déclanché et s’est perpétué. La « question Chypriote » est une équation qui met en jeu une multitude d’acteur, à la fois lointain et proche dont les intérêts et les représentations n’ont pas cessé d’évoluer. Dans cette pièce, les protagonistes entrent et sortent constamment de la scène, a peine l’URSS partie de la scène militaire la voilà remplacée par la Russie et ses investissements massifs dans les banques Sud Chypriote. Pourtant il faut se prémunir d’un « fatalisme géopolitique » car les situations géostratégiques tout comme les conflits se font et se défont. C’est dans cette optique de recherche que nous étudierons la question des « réfugiés Chypriote grecs ». Car tout comme la notion de « situation », l’identité d’un groupe est dynamique et est travaillée en interne et en externe par divers forces à la fois explicites et implicites.

    La complexité de la situation Chypriote a provoqué une sous-évaluation  de certains aspects, l’analyse à grande échelle étant le plus souvent évacué par les questions soulevait par la petite. C’est clairement le cas de la question des réfugiés qui reste peu étudié trente-deux après la partition de l’île. La réalité des réfugiés Chypriote est donc un immense champ de recherche encore peut explorer. Nous l’imiterons notre recherche dans ce vaste domaine à l’action étatique en faveur des réfugiés restés en République de Chypre.
   
    Nous chercherons à comprendre en quoi les politiques volontaristes mener par les différents organes de la République de Chypre ont pesé sur l’identité des réfugiés et à l’inverse en quoi les réfugiés ont transformé l’État Chypriote.

    Pour cela il est nécessaire de revenir sur l’histoire contemporaine de l’île. Le but de ce détour historique n’est pas d’expliquer la genèse du conflit mais de donner une grille de lecture afin de comprendre les discours et les réalités observés sur l’île. En effet, les discours des différent protagoniste du conflit mobilisent au cours de leur argumentaire divers éléments de cette histoire qu’il est donc nécessaire de connaître. La connaissance des conséquences de l’histoire Chypriote se révèle nécessaire enfin de comprendre les choix effectués dans la politique de relogement lancé par le gouvernement au lendemain de la crise de 1974. Cet urbanisme opérationnel, de géographie volontaire selon les termes de J.Gothman, porté par des scientifiques, des techniciens et des technocrates n’en reste pas moins porté par une volonté politique que l’on peut analyser. Si les réalisations urbanistiques ont suivi les méthodes et critères scientifiques de leur époque de réalisation, la définition des lignes directrices et des moyens accordés à cette politique est liée aux champs politiques.  Le dernier volet de ce devoir se consacre à un des acteurs en charge de porter la mémoire et les revendications des réfugiés et ceci pendant 32 ans. Dans cette optique la mise en place de municipalité correspond au volet institutionnel des politiques étatiques en direction des réfugiés sud Chypriote. Par le rapport particulier qu’elles instaurent avec le territoire perdu, les « municipalités délocalisés » se révèlent être des actrices politiques qui se différencie des autres organisations de réfugiés.

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